Éditorial

Des itinéraires croisés

Pentecôte célébrée, « Mai 68 » ra­conté, posons un regard apaisé sur les itinéraires croisés de générations de chrétiens et particulièrement de prêtres dans nos diocèses.

Les prêtres qui avaient 20 ans à la fin des années 60 ont grandi dans une société où le christianisme faisait référence, avec lourdeur souvent. « Plongés jeunes dans la marmite catholique!», ils n’avaient pas besoin de donner des gages pour rassurer sur leur appartenance chrétienne, ni de porter des signes extérieurs.

Revenus de la guerre d’Algérie, ou de la coopération, nourris par le Concile ils se sont donnés à l’aventure du dialogue et d’une présence avec et dans la société. Que de fruits d’évangélisation! Le risque d’une dilution du message évangélique était bien présent. Ce fut leur itinéraire, leur histoire sainte apostolique. Ils se sentent en phase avec le pape François. Les périphéries, ils connaissent !

Ceux qui aujourd’hui ont 45 ans ou moins, ont fait l’expérience d’être chrétien dans une société sécularisée, où tous les enfants n’allaient plus au catéchisme. Ils ont pu être montrés du doigt. Etre chrétien demandait du courage. Ils ont fait des études profanes, ils ont exercé des professions dans l’entre­prise, le commerce, la banque.

Et un jour dans ce monde « déchristia­nisé» ils ont fait le choix de répondre à l’ap­pel du Christ et de devenir prêtre. Comment rendre compte d’un tel passage, sans en donner des signes et en rendre compte, par l’habillement ecclésiastique, par une appli­cation plus stricte du rite liturgique, par un discours plus explicitement chrétien? Eux aussi sont confrontés à un risque, celui d’une Eglise en rupture. Quelle générosité et quel enthousiasme! C’est leur histoire sainte …

En fait, les premiers sont allés de la chré­tienté vers une Eglise servante et présente au monde. Les autres sont venus d’un monde sécularisé vers une Eglise à solidifier. Aujourd’hui ils sont ensemble en Eglise dans un même diocèse. On doit s’interdire de dire des premiers: « qu’ils ont bradé l’Eglise» et des autres« qu’ils n’aspirent qu’à une restau­ration de la chrétienté». Dans la reconnais­sance apaisée de leurs itinéraires croisés, ils sont appelés à vivre en paix.

Entre ces deux générations, il y a celle de 50-60 ans, actuellement en responsabilité dans les diocèses. Ils font le lien et le pont entre les deux itinéraires. Leur position n’est pas facile. Dans le quotidien du ministère ils ont présent à leur esprit, avec réalisme le souci de l’avenir. Ils ont besoin du soutien de tous. En ce mois de juin nous ne pouvons que redoubler de prière pour eux.

D’autres itinéraires se croisent. Les routes entre les continents s’inversent! Mgr Bozo va se rendre début juillet à Ouahi­gouya pour les ordinations de prêtres et de diacres. (cf le dossier page 8) alors qu’habi­tuellement des ordinations se célèbrent ici en juin.

Des prêtres de Ouahigouya sont en mis­sion dans le diocèse de Limoges, comme étudiants, ou comme curés, d’autres vont venir cet été dans les paroisses. Ils en té­moignent dans le dossier de ce mois. Les routes de l’évangélisation se croisent à tra­vers les décennies.

L’histoire des deux derniers siècles de la mission de l’Eglise est instructive. La regar­der, la contempler n’est-ce pas mesurer les chemins croisés de l’Incarnation de Jésus? Il est venu du Père vers nous, ses enfants bien aimés, pour qu’à notre tour nous accomplis­sions le chemin qui conduit de la terre vers le ciel.

J.-M. Mallet-Guy