« Un journaliste est un artisan »
Dans le cadre du programme de français sur l’éducation aux médias et à l’information, les classes de 4eD et E du collège Jeanne d’Arc à Limoges ont reçu un ancien élève, Erwan Chassin, qui est venu répondre à leurs questions.
Pourquoi avez-vous voulu devenir journaliste ?
Ce n’est pas évident mais je crois que j’aime parler des invisibles, des gens qui souffrent, porter la parole de ceux qui ne l’ont pas, rendre visibles les invisibles comme les SDF, les personnes des cités, les agriculteurs…
Quel fut votre parcours ?
Après mes études au lycée Saint-Jean, j’ai voulu devenir infirmier. Puis, je me suis dirigé vers des études de communication, j’ai voyagé et à mon retour, j’ai repris ma vie en main. Pendant un an, je me suis enfermé chez moi pour préparer l’entrée aux écoles de journalisme. J’ai réussi et pendant deux ans j’ai travaillé comme correspondant à France Bleu, France Info Drôme-Ardèche, ce qui m’a conduit d’ailleurs à être le premier sur le terrain de l’affaire Crépol. Puis j’ai postulé à une place de reporter aux informations générales à France Inter. J’y suis depuis quatre mois.
Quelle fut l’information la plus intense que vous ayez traitée ?
Certainement l’affaire de Thomas à Crépol, comme j’étais correspondant là-bas en 2023, je fus le premier sur les lieux, j’ai relayé l’info à l’AFP. Tous les matins, on fait « la tournée », on appelle les pompiers et la gendarmerie, c’est comme ça que nous sommes au courant de ce qui se passe la nuit. J’ai aussi couvert un convoi d’aide humanitaire jusqu’à la frontière avec l’Ukraine.
Votre métier empiète-t-il sur votre vie privée ?
Le métier de reporter est un métier de passion mais très exigeant. Les horaires sont très variables. Je peux être envoyé en Espagne dans l’heure. S’il y a une urgence à traiter pendant mes jours de repos, je peux être dépêché sur le terrain. Je dois rester joignable tout le temps, y compris les week-end. J’ai aussi subi des menaces de partis politiques extrémistes pendant quinze jours suite à l’affaire Crépol (mort d’un adolescent à l’arme blanche).
Est-ce difficile de respecter la Charte de déontologie des journalistes ?
Si tu ne respectes pas cette charte, oublie d’être journaliste. Personne ne te fera confiance !
Quelles sont les qualités d’un bon journaliste ?
Il doit être impartial, curieux, disponible et réactif. Surtout, il doit faire preuve d’empathie et d’humilité. Nous sommes des artisans. Les célébrités interrogées sont nos outils de travail.
Comment lutter contre la désinformation ?
En faisant correctement son travail, justement. Il ne faut jamais publier une information sans avoir recoupé au moins trois sources, essayer de rester objectif, ne pas céder aux cadeaux qu’on pourrait nous faire pour publier un article élogieux. La crise des gilets jaunes et celle du Covid nous ont fait beaucoup de mal en renforçant la défiance envers les journalistes. L’émergence de l’IA est aussi une grande menace pour notre travail.
Que pensez-vous des réseaux sociaux ?
C’est un sacré canal de désinformation et d’information. Ils peuvent m’inspirer en me faisant découvrir des sujets auxquels je n’aurais pas pensé, de vrais témoins peuvent se confier plus facilement. C’est notre rôle de faire le tri entre le vrai et le faux. Le problème reste celui du temps. Pour faire un bon article, il faut du temps. Sur les réseaux et les chaines d’info en continu, on publie dans l’urgence, l’immédiateté.
Pourquoi avoir choisi la radio ?
Ce media est un art. Il faut calculer le moindre détail, la finesse du son, l’intonation, les bruits de fond. C’est de l’artisanat.
Gabriel, Alexis, Maëlle
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