Entre Sahel, Auvergne, Limousin et Myanmar
Le CCFD-Terre Solidaire propose un processus sur le thème : « Pour une économie plus juste au service de l’Homme et du Bien commun ». Cette démarche permet, à des bénévoles et des acteurs de transformation sociale du Sahel, du Myanmar et de notre région, de porter des regards croisés, sur des expériences au sein de chacune des zones depuis 2016.
En France, plus de 120 alliés ont été rencontrés. Au Mali, en 2018, la région de Kayes a accueilli un échange. En février 2019, 9 bénévoles, 2 alliés et 5 sahéliens sont allés à la rencontre des populations birmanes. Véritable plongée dans les réalités birmanes, cette expérience, a permis à chacun de repartir avec un panel d’initiatives qu’il pourra expérimenter dans le contexte qui est le sien, participant ainsi au tissage d’un réseau intercontinental, véritable « chemin commun ».
Hervé, paysan de Dun le Palestel, était de l’échange : « Mon immersion en Birmanie a été une plongée dans un océan de diversité ; de couleurs de peau, de nationalités, de langues dialectes et patois, de confessions, de professions d’âges et d’état de vie. Dans un dépaysement total de paysages, de climats, de cultures, nos cadres tombent peu à peu, nos repères s’éloignent, nos regards s’aiguisent pour laisser place à un langage du cœur.
Au fil des échanges, nos critères de développement sont remis en question, écouter sans porter de jugement, chercher à comprendre, toujours davantage pourquoi telle situation et pas une autre, ici décrypter un contexte. Pour le paysan que je suis, s’il ne doit me rester qu’un souvenir, ce sera celui des paysans Lao, à 30 minutes en voiture de Taunggy, dans la montagne, après avoir traversé de grands plateaux où, rivalisent d’intensité les ocres de la terre dénudée, parsemés de manguiers, de palétuviers, de mimosas et autres acacias, de bananiers, de bambous et tant d’autres jamais rencontrés. La route devient piste, nous prenons de la hauteur.
Nous arrivons au cœur d’un village que je qualifierais d’authentique, tant pour moi le temps semble s’y être arrêté, ne pouvant m’empêcher de le comparer à ce que je connais. Les villageois nous accueillent au pied de la plus grande maison, où nous nous installons. Ils m’impressionnent, tous de noir vêtus, seul le turban couvrant leur tête est coloré. Les uns et les autres se présentent. Ces paysans nous expliquent comment ils vivent, ce qu’ils produisent et vendent.
Le rythme est étonnamment lent, le français est traduit en birman, le birman en pao, le pao en birman, le birman en français. Par un heureux hasard, je me trouve aux côtés d’Idrissa, paysan du Niger. Nous sommes entourés par les villageois. Je me sens faire corps, paysans des trois continents. Leurs questions fusent, ils ont des attentes, des besoins d’ordre technique. Ils pensent aux engrais chimiques. Idrissa leur parle compost ou comment l’agroécologie est une réponse aux enjeux de son pays.
Je sens la rudesse de leur vie, d’ailleurs les partenaires nous ont incité à les motiver. Je vois la jeunesse troquer les vêtements traditionnels par un tee-shirt de football aux couleurs des Emirates ou une veste arborant le logo Chanel. Conscient qu’un des défis à venir sera de garder « au pays » cette jeunesse en attente d’une vie moins laborieuse, je me lance ! Je leur raconte ce que le « progrès » a fait de la paysannerie française dont je suis un survivant. Je les encourage à trouver leur voie sans céder aux chimères, de réfléchir ensemble à leur avenir et surtout, en consonance avec Idrissa, de sauvegarder leur autonomie alimentaire via les semences endémiques. Nos regards se croisent, je suis ému. Je ne sais plus à ce moment qui sont les passeurs d’alternatives ».